Cet article date de 2013, il a été mis à jour en septembre 2019. Il n'est plus que jamais d'actualité, la pression des OTAs et les stratégies de certains territoires alertent de plus en plus des professionnels du tourisme et les organisations professionnelles.
Alors qu’une OTA Hollandaise appartenant à un fond de pension Américain essaye de nous faire la danse du ventre pour nous prouver qu’elle est blanche comme neige (c’est bien la preuve qu’il y a malaise…), certaines OTAs (centrales de réservation en ligne) démarchent les institutionnels pour installer leur moteur de réservation sur le site de la destination afin de proposer de la reservation d’hébergements. Cela peut paraitre une bonne idée, les institutionnels pensent avoir enfin un système de reservation performant, pour peu d’investissements et qui apporte des ressources. Fausse bonne idée, voilà pourquoi
Voilà pourquoi en 8 points, c’est une fausse bonne idée
1. Votre mission de service publique vous interdit de participer à l’évasion fiscale
Ces plateformes de réservation ont mis en place des systèmes ingénieux pour payer le moins d’impôts, le moins de TVA dans notre pays. Il y a une forme d’évasion (ou optimisation) fiscale importante. Les réservations effectuées en France pour la France sont peu taxées. Votre mission de service publique vous interdit, moralement, de participer à cette évasion fiscale. Les acteurs du territoire supportent eux toute la charge fiscale, normalement et déontologiquement. Il n’est pas normal/moral de financer les 30% de marges brutes de ces opérateurs (lire les résultats de Booking) quand les acteurs de votre territoire font péniblement 10%, mais en finançant la collectivité. Lorsqu’il n’y aura plus de pro (et que des particuliers sur AirBnb), comment allez vous assurer la mutualisation de notre société ?). Vous financez là le capital américain au détriment du travail européen, votre responsabilité est immense.
2. Cela va brouiller l’offre de votre territoire
Sur une plateforme de réservation l’offre est brouillée. On y trouve des hôtels, des chambres d’hôtes, des campings, des locations, des appartements, des bateaux, de l’insolite, bref tout ce qui peut héberger, mais sans signalétique, sans cohérence. De plus, ces sites fonctionnent uniquement par zone géographique « localité ». L’offre de la communauté, du territoire est brouillée, il n’y a pas de cohérence, la mutualisation locale est perdue. Les OTAs ne se préoccupent pas de savoir si l’établissement est classé ou pas, élément qui semblait important dans le référentiel des institutionnels.
3. Perte de votre fichier clients
C’est la plateforme effectuant la réservation qui garde les coordonnées du client. Vous ne savez plus qui sont vos clients, vous ne pouvez pas exploiter cette base de données ni les autres datas. C’est le client de la plateforme, pas le vôtre ! Cela montre la méconnaissance des enjeux et d’exploitation des données dans un futur très proche. Vous apportez les données de votre territoire sur un plateau aux géants du web qui vont en profiter pour mieux nous dominez avec les IA dans un futur proche.
4. Impacter financièrement de manière importante les acteurs socio-pros
Pour être distribué sur le site du service publique (l’OT, le CDT, le CRT), l’hébergeur devra signer avec l’OTA. Vous obligez ainsi les derniers « indépendants » à entrer dans ce système qui impacte durablement et financièrement les socio-pros (et la communauté). Imposer ce système à un acteur va à l’encontre du développement durable et du donc du rayonnement de la destination.
5. Dilution de l’e-réputation de votre territoire
Ces plateformes vont ensuite démarcher les clients pour déposer un avis et c’est très bien. La e-réputation et la réponse aux avis et le dernier lien direct qui reste entre les acteurs et le voyageur. L’OTA pourrait alors arriver en tête des résultats naturels dans les moteurs de recherche pour une requête liée à la destination, sans parler de l’achat de mots-clefs et brandjacking sur le nom du territoire. Cette solution est peut être séduisante tout de suite, mais à moyen/long terme, vous mettez le doigt dans un sacrés ….
6. Les contrats des OTA sont illégaux
La loi dite Macron, d’aout 2015, à rendu caduque les contrats entre OTAs et hébergeurs, les obligeant à re-signer un contrat, un mandat de commercialisation plus précisément. Aucune OTA n’a fait signer de nouveau contrat. Les contrats régissant la collaboration entre OTAs et producteurs sont illégaux (sans parler des clauses abusives de la CEPC http://arti.re/cepc).
7. Baisse l’attractivité du territoire en participant à l’augmentation du prix
Les acteurs du tourisme rémunèrent ces distributeurs entre 15 et 25% (et plus) du prix de vente TTC (autre anomalie). Cela impact forcement le prix de vente. En confiant la commercialisation à ces acteurs, les prix de vente vont augmenter et l’attractivité du territoire baisser.
8. La sécurité des données et l’honnêteté de l’offre
Ces plateformes mettent en avant des établissements sélectionnés soi-disant pour leur confort, leur qualité et leur rapport qualité/prix. C’est en réalité le taux de commission que reverse l’hébergeur qui le rend « sélectionné » ou pas. Comme partout ailleurs, la tête de gondole se paye, mais ces plateformes se gardent bien de le dire. On peut considérer qu’il y a tromperie sur la marchandise, c’est à l’opposé de la mission et des valeurs des institutionnels…
Continuez donc la lecture avec l’excellent article de Mathieu Vadot (sur le blog VEM5), un article un peu moins tranché que le mien, mais qui globalement va dans le même sens, mais plus objectif (et revenez après, y plein d’autre chose à lire ici ;)
Bonjour, Si l'institutionnel laisse absorber sans réserve sa fonction de résa/vente, d'accord. Mais ne pensez-vous pas qu'il est possible qu'il garde la main et négocie un partenariat. Avec des limites à la collaboration. Un win/win?
Luc,
tout à fait d'accord, si l'institutionnel par son pouvoir de négociation arrive à remettre les conditions de collaborations sur un plan gagnant/gagnant qui ferrait que hôteliers, OTAs, destinations et clients soient gagnants, alors je dis OUI et encore OUI
J'attends de voir le pouvoir de négociation de l'institutionnel. . .
[...] See on www.artiref.com [...]
Dommage que votre propos soit outrancier et peu au fait de la nature me des institutionnels du tourisme, car cela décrédibilise totalement votre démonstration.
Pour le point 1 par exemple, vous parlez d'évasion fiscale alors que ce n'est juridiquement pas le cas... Et il est tout à fait valide pour une structure assurant une délégation de service public (ce qui n'est la cas, il me semble, que des offices de tourisme, pas les CRT et CDT) de contracter avec une société de services basée à l'étranger...
Point 4 : "Imposer un système à un acteur va à l’encontre de votre mission d’exhaustivité."... Imaginons que l'institutionnel mette en place à très grand frais sa propre centrale... Il va bien "l'imposer" à ses prestataires... Votre affirmation ne veut rien dire, d'autant plus que, sachez-le, la mission d'exhaustivité des offices de tourisme (et d'eux-seuls) concerne uniquement l'information qui doit être mise à disposition... pas la promotion et encore moins la commercialisation.
Je suis bien d'accord sur le fait que la contractualisation avec une grande OTA n'est pas la solution idéale, mais bien souvent les tentatives de gestion "locale" de la résa se heurte au désintérêt affligeant des professionnels qui ne veulent pas s'y impliquer...
M. Fabing
Merci d'avoir partagé votre ressentiment malgré le fait que vous soyez outré.
Je suis bien d'accord avec ce que vous avancez, lorsque je parle d'interdiction dans le point 1, je parle d'interdiction morale et non juridique, je vais mettre à jour ce terme.
Bien sûr que l'exhaustivité ne concerne que l'information, et même cela est remis en question. C'est ce qui est remonté fortement à #ET9, le droit de faire des recommandations et donc, par là même, de ne pas être exhaustif. Le terme exhaustivité est mal choisi, je remplace donc, modifie cette phrase. La solution de l'institutionnel, imposée ou pas, n'impacte pas négativement le sociopro comme celle d'une OTA, mais comme vous le dites, la mayonnaise ne prend pas… mais ce n'est pas une raison pour contracter avec une grande OTA. Et vous êtes d'accord avec cela, ce "n'est pas la solution idéale", c'est exactement le propos de mon intervention. Alors, allons-y ! Essayons de trouver la solution idéale….
Acteurs du secteur touristique, que vous soyez outré, énervé ou un peu d'accord avec mon intervention, venez donc réagir, améliorons cet argumentaire !
Je suis à l'écoute
Thomas
Bonjour,
Une précision sur le point N°2 qui fait référence aux territoires car en effet si les hôtels ne sont pas disponibles sur le territoire alors Booking va effectivement proposer du disponible aux alentours, c'est la force pour le client par contre dans nos montagnes ici en Savoie et d'ailleurs comme dans les Pyrénées, c'est un contre territoire:
Si le disponible est à 5 kms, par exemple, alors le client se verra proposer une autre station dans une autre vallée car la distance est à VOL d'OISEAUX......exemple à Val d'isère en Tarentaise à 5 km on se trouve de l'autre côté du Col de l'Iseran à plus de 2h30 de voiture........
En résumé, merci Thomas de mettre en alerte les OT, CDT de ne pas tomber dans un mauvais plus la plupart financé par nos soins !
Que les professionnels confient une partie de leur parc (et leur chiffre d'affaire) aux OTA, c'est une grave erreur et c'est de leur responsabilité ; ils n'ont pas su se solidariser à temps et développer leurs propres outils, et leurs syndicats ne semblent pas les défendre comme ils le devraient face à l'augmentation de la fiscalité, qui ne fait que les pénaliser encore davantage face à l'offre de PàP. Certains résistent cependant et on peut espérer, compte tenu des premiers regroupements professionnels et des premières actions en justice menées par l'Etat, que l'avenir ne soit pas totalement noir. Espérons...
Mais lorsque les Offices de Tourismes et les Comités (départementaux et régionaux) du Tourisme choisissent d'être "partenaires" des Centrales de Réservation, il y a une vraie démission de leur part face à leurs responsabilités (en terme de "neutralité", et de "propriété" de l'identité touristique du territoire qu'ils représentent), une véritable trahison à l'égard des professionnels (qui - de fait - ne pourront définitivement proposer d'alternative crédible), et une véritable incohérence face à leur responsabilité vis-à-vis de la "justice fiscale".
Pour moi, les points 3 et 4 sont vraiment importants : 3. Perte de votre fichier clients ; et 4. Impacter financièrement de manière importante les acteurs socio-pros.
Certes, les professionnels n'ont pas su se fédérer quand il le fallait face à la montée des premiers OTA ; mais il faut dire que peu de professions, aussi diversifiées, on su le faire (que dire de l'artisanat, du commerce, de l'agriculture, ....). On assiste donc dans le tourisme à ce qui s'est passé dans le commerce au cours des années 70-90 avec l'explosion de la Grande Distribution, qui a détruit l'activité de proximité.
Et quand on connait les méthodes et les moyens de Booking, Homeway et autres, il y a du souci à se faire pour les commerces locaux que sont les établissements liés à l'hôtellerie. De ce point de vue, la moindre des choses de la part des Services Publics, c'est de ne pas tomber dans le piège !
Merci l'artisan ;)
Je partage complètement l'avis de l'auteur sur le sujet. Les plateformes numériques d’hébergements touristiques sont à l’origine de nombreuses destructions d’emplois en France et d’un manque à gagner significatif en recettes pour l’Etat, à tel point que le gouvernement légifère actuellement sur la question pour tenter d’endiguer le phénomène. Si chacun est libre d’y avoir recours, le service local public du tourisme ne doit pas pour autant cautionner le système (au risque d'ailleurs de l’amplifier).
Merci de partager mon avis, bonne continuation....
[...] Institutionnels: pourquoi une OTA est une mauvaise option pour votre territoire [...]
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