Rapport de transparence TripAdvisor : comment fonctionnent les modérateurs et sont-ils efficaces ?

Rapport de transparence TripAdvisor : comment fonctionnent les modérateurs et sont-ils efficaces ?

TripAdvisor a publié pour la première fois en septembre un rapport officiel pour faire toute la lumière sur le fonctionnement interne de la plateforme. Ce rapport présente également des chiffres-clés, nous les avons synthétisés dans un autre article : les chiffres clés 2019 de TripAdvisor.

Il nous informe d’une première chose importante (même si on s’en doutait) : 100% des avis envoyés sont examinés par un système automatisé dans le but de détecter les avis non conformes aux critères de publication.

C’est une première modération qui permet d’empêcher la publication des avis frauduleux les plus facilement détectables. Ainsi, en 2018, TripAdvisor aurait bloqué la publication de 73% des 1 386 000 avis frauduleux (1 011 780 avis). On rappelle tout de même que 66 millions d’avis ont été envoyés à la plateforme en 2018. Parmi ces avis frauduleux, une partie ne peut pas être traitée informatiquement et est redirigée vers une modération humaine.

Mais la question qui nous reste à l’esprit est la suivante : qu’advient-il des avis qui passent entre les mailles de ce filet ?

Avant de voir plus précisément le processus de modération de TripAdvisor, nous allons revenir sur la définition d’un faux avis. Nous terminerons ce décryptage en mettant en évidence les failles du système.

1- Qu’est-ce qu’un faux avis ?

Selon TripAdvisor, un faux avis ne reflète pas une expérience vécue, il est rédigé dans le but de manipuler la note d’un établissement.

La plateforme présente trois types de faux avis :

1- Les avis biaisés positifs : des utilisateurs ayant un lien avec l’entreprise publient des avis dans le but de faire augmenter la note de l’établissement (salariés de l’entreprise, proches…).

2- Les avis biaisés négatifs : inversement, ils sont envoyés dans le but de minorer la note d’un établissement, ils sont souvent rédigés par des concurrents ou d’anciens collaborateurs mécontents.

3- Les avis achetés : certains établissements payent des entreprises pour publier des avis positifs.

Ces faux avis menacent la plateforme. En effet, le système est basé sur la confiance, trop de faux avis polluent la plateforme et réduiraient la crédibilité que nous lui accordons. Les internautes pourraient alors se rediriger vers les plateformes qui publient des “avis certifiés”, liés à un acte d’achat par exemple.

2- Deux manières de les détecter

TripAdvisor applique deux types de modération avant et après la publication.

La modération prépublication passe par un algorithme qui a pour objectif de vérifier la pertinence des avis et de détecter les fraudes. Le système analyse de nombreuses informations et “comprend” des comportements spécifiques ce qui lui permet de rejeter directement le contenu non conforme. TripAdvisor s’est inspiré des systèmes de sécurité du secteur bancaire pour créer des “fiches comportementales” caractéristiques des fraudeurs. Lorsqu’un avis suspect est détecté par ce système, il est envoyé à un membre de l’équipe de modération qui va l’étudier de plus près. La modération humaine permet de prendre en compte des facteurs impossibles à détecter par la machine comme les nuances culturelles par exemple.

TripAdvisor indique faire appel à des “spécialistes du contenu” pour compléter la modération automatisée. La plateforme est très imprécise sur l’identité de ces modérateurs humains et on peut se poser la question de leurs réelles compétences juridiques et opérationnelles, celles nécessaires à une modération efficace. En effet, pour savoir si un avis est diffamatoire, exagéré ou encore non conforme aux lois d’un pays, il faut non seulement avoir une idée de la gestion quotidienne d’un hôtel, mais aussi les lois qui y sont liées. Toutes ces données de contexte sont essentielles pour évaluer si un avis doit être publié ou non. Étant donné que TripAdvisor dit posséder dans son équipe des modérateurs du monde entier, il faut croire qu’ils ont trouvé partout dans le monde des employés de ce niveau de compétence pour relire 7000 avis par jours en moyenne dans l’année.

Vous me direz, les modérateurs se basent sur les critères de publication de la plateforme, je vous laisse y jeter un œil… Vous pouvez même les lire dans leur intégralité, c’est assez rapide ! Les critères sont volontairement très larges pour laisser une part d’interprétation. Par exemple : “Assurez-vous que vos avis sont pertinents et utiles pour les voyageurs” ou encore “Les avis sont bien plus utiles lorsqu’ils apportent des conseils impartiaux”. Les modérateurs doivent donc finalement décider eux-mêmes, subjectivement, si l’avis est conforme ou non.

La modération post-publication repose entièrement sur les signalements des utilisateurs, qu’ils soient voyageurs ou gérants d’établissements. Sous réserve de présenter une preuve de la non-conformité de l’avis, 43% des signalements entraînent une suppression.

Bon à savoir (et ça c’est nous qui vous le disons) : il est possible de prévenir l’équipe de modération de TripAdvisor de l’arrivée imminente d’un avis frauduleux suite à un chantage. C’est une manière pour un établissement d’empêcher la publication d’un avis négatif qui nuirait à son image et à sa note globale.

3- Des modérateurs pas si efficaces

TripAdvisor se vante de l’efficacité de sa modération, ayant ainsi rejeté environ 3 millions d’avis (environ 1.4 million par le système informatique et 1.6 million rejetés humainement.) Nous avons cependant réinterprété quelques chiffres annoncés par la plateforme d’une manière qui nous révèle un autre point de vue.

Voici comment TripAdvisor présente les choses :

Voici ce que nous en concluons : 1 386 000 avis (2,1% de 66 millions) ont été identifiés comme frauduleux en 2018. 73% ont été bloqués avant leur publication (1 011 780 avis), ce qui veut dire que les 27% (374 220) restant ont été signalés par la communauté après leur publication. Autrement dit, un faux avis a au moins 27% de chance d’être publié.

On comprend que la plateforme préfère dire : « moins de 0,6% des avis (toujours les 374 220) ont été identifiés comme frauduleux après leur publication » plutôt que « 27% des avis frauduleux identifiés, ne l’ont été qu’après leur publication ». On en revient toujours a cette nécessité d’assurer la confiance des lecteurs.

De plus, certains passent encore entre les mailles du filet pour deux raisons :

1- Ils ont été signalés mais considérés comme conformes par les modérateurs (faute de preuves) alors qu’ils étaient réellement litigieux .

2- Les propriétaires des pages TripAdvisor n’ont pas pris le temps ou ne savent pas qu’il est possible de signaler un avis litigieux

Il convient également de rappeler que la plateforme a tout intérêt à tirer vers le bas le nombre de faux avis. Moins ils accepteront de suppression d’avis, meilleurs seront leurs chiffres, et c’est très facile car ils sont les seuls à juger et qu’il est impossible de remettre en cause leurs décisions.

Le rapport présente enfin les sanctions mises en œuvre contre les établissements qui achètent des faux avis et les entreprises qui les produisent. Pour le moment, il y a encore peu de recours. Le champ d’action de TripAdvisor est limité aux badges rouges, aux déclassements ou aux interdictions de publication. La seule solution pour les fautes graves est de porter plainte auprès des autorités du pays concerné.

Pour conclure, il faut tout de même relativiser la présence des faux avis, leur nombre reste mineur et ne remet pas en cause la pertinence de l’utilisation de TripAdvisor. Ce rapport sur la transparence nous donne des informations intéressantes, qu’il faut prendre dans leur contexte et avec le recul nécessaire. Ce que nous avons tenté de faire.

A noter également que le phénomène des faux avis varie beaucoup entre les plateformes : par exemple Booking se protège des faux avis en ne laissant la possibilité de publier un avis qu’aux voyageurs ayant séjourné dans l’établissement. Au contraire, Google n’exerce quasi aucune modération des avis et laisse la possibilité à n’importe qui d’en publier. De ce fait, pour un avoir un regard objectif sur un établissement, il est important de connaître le fonctionnement des plateformes et de regarder les avis sur différentes sources.

Cher amis exploitant d’hôtels ou de campings, j’aimerais ajouter que la meilleure solution pour maitriser sa e-réputation reste la réponse aux avis. En plus de rétablir la vérité et de mettre en valeur vos prestations, les réponses permettent de ne plus être dépendant du jugement de TripAdvisor et de ses semblables !

Un article rédigé par Elodie et Guillaume

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