Arnaud Montebourg assigne Booking.com en justice

Arnaud Montebourg assigne Booking.com en justice

Coup de tonnerre ce 27 mai 2014 en fin de soirée, c’est en effet vers 22h00 que l’AFP annonce que Arnaud Montebourg, Ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, engageait une action contentieuse contre le groupe Booking.com afin de mettre fin aux déséquilibres constatés dans les relations entre les centrales de réservation […] du groupe et les établissements hôteliers. Les sociétés du groupe Booking.com viennent d’être assignées à comparaître devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Je suis assez surpris que Booking.com soit considéré comme un groupe, c’est plutôt une marque, filiale d’un groupe plus important : Priceline. Mais en même temps, le communiqué de presse parle des sociétés du groupe Booking.com, est-ce que cela veut dire qu’il y a plusieurs assignations, une pour Booking.com, une pour Priceline (soyons fou, mais pas de représentation en France), une pour Agoda, une pour Kayac, etc … on n’en sait rien à ce stade.

L’assignation fait suite à l’assignation par le gouvernement du groupe Expedia le 13 novembre dernier suite au rapport de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) qui mettait en avant que certaines clauses des contrats risquaient la nullité : parité tarifaire, parité disponibilité, achat du nom commercial et appartenance du client. Je ne sais pas où en est et ce qu’a donné cette assignation à l’époque.

L’assignation d’hier, de Montebourg, concerne essentiellement la clause de parité tarifaire. Le communiqué de presse stipule : « les contrats comportent des clauses entravant significativement la liberté commerciale et tarifaire des hôtels. […] cette  clause  dite  de  « parité  tarifaire »  empêche  les  hôteliers  de  consentir  des réductions aux clients qui les contactent directement ». Attention, nous n’avons aucun détail sur le contenu exacte de cette assignation, il est fort probable que cela fasse plouf comme déjà vu.

J’entends déjà tous les hôteliers de France, les groupes, petits et grands, les syndicats, bref toute la profession faire la fête. On ne va pas bouder notre plaisir et je me réjouis de cette nouvelle, notamment car cela montre que le gouvernement est attentif à certaines problématiques hôtelière, car cela va faire un peu de bruit et donc sensibiliser l’opinion publique (et peut être même les hôteliers qui vivent sur leur île), mais j’attends peu de la part de cette assignation et de Booking.com.

Je vais essayer de présenter les différents effets que cette assignation peut avoir

1. Same player shoot again
il ne va rien se passer, l’assignation n’est pas recevable, le tribunal se déclare pas compétent, le contrat est de droit Hollandais, merci au revoir. Booking.com renforce par là sa position par un sentiment d’impunité, les américains de Priceline se marrent. Bye Bye

2. Double Bye Bye
Les Américains se marrent, 5 minutes seulement et après quittent la France, après tout ca peut quand même devenir dangereux. Booking.com ferme tous ses bureaux en France, perte d’emplois, de fiscalité, perte d’interlocuteurs pour les hôteliers, baisse du service client (quoi que) pour les internautes. Les hôteliers en paient les frais.

3. L’action en justice est un succès
Booking.com doit supprimer cette clause de parité tarifaire de ses contrats (et donc aussi de la parité de disponibilité, ces 2 clauses étant liées dans le même article).
Les algorithmes de classement de Booking.com sont toujours présentes et ceux qui ne jouent pas le jeu sont toujours pénalisés par un mauvais classement, une baisse de visibilité (les fameux 7C dans votre extranet, illustration ci-dessous). Ceux qui voudront toujours être commercialisés par Booking.com auront besoin de visibilité et continueront à respecter la parité tarifaire (ou alors il faudra augmenter significativement la commission, ce qui reviendra au même pour Booking.com, pas pour le client).

4. Triple Bye Bye
Booking.com retire sa clause de parité tarifaire, il se plie à la décision de justice, mais il retire aussi tous les établissements qui ne joueraient pas le jeu et casseraient les prix en direct, après tout, Booking.com est chez lui et à le droit de faire une sélection (c’est ce que font les chaînes volontaires)

5. Quadruple Bye Bye
Booking.com applique une éventuelle décision de justice, les hôteliers cassent la parité tarifaire en permanence, Booking.com ne vend plus rien et disparait de la France en moins de 5 mois. Les hôteliers pleurent la disparition de cet apporteur (et surtout du CA qui allait avec), ils sont bizarres les hôteliers ….

6. Booking.com sort gagnant
La parité tarifaire protège tout le monde, Booking.com ET les hôteliers. Quand vous donnez une chambre à vendre à Booking.com pour 100€ il la vend 100€ ni plus ni moins. Si la parité tarifaire n’existe plus, alors Booking.com pourra rogner sa marge (sa commission) pour vendre votre chambre à 90€ et vous, hôteliers, vous ferez quoi dans ce cas ? Vous crierez encore au scandale !

Dans tout le cas je vois Booking.com sortir gagnant de cette assignation, ou du moins, je vois les hôteliers et la France sortir perdant.

Ce n’est pas sur la clause de parité tarifaire qu’il faut attaquer, mais sur des clauses unilatérales, comme l’achat du nom commercial, véritable vol de clientèle ou sur la gestion des affiliés.

Maintenant, je le répète, cette assignation est une très bonne chose, elle envoie des signaux a tout le monde : aux distributeurs, aux hôteliers et aux clients, il n’y a qu’à voir tous les articles dans la presse nationale ce matin. Par contre, on ne sait rien du contenu de cette assignation, c’est pourtant le point le plus important…

Télécharger le communiqué de presse d’Arnaud Montebourg contre Booking.com

 

La réponse de Booking.com

Dans la journée, Booking.com a publié un communiqué de presse visant à mettre certaines choses au point:- Cette démarche ne concerne pas Booking.com spécifiquement, mais un ensemble plus large d’OTAs
– D’ailleurs une première assignation a été annoncée le 13 novembre 2013 (Expedia)
– Booking.com a été notifié de cette assignation par M. Pierre Moscovici, le 21 février 2014
– Cette information n’est pas une nouveauté

Télécharger la « Note aux rédactions » que Booking.com a envoyé dans la journée du 28 mai 2014.

 

Souvenez-vous: (plein de trucs passionnant à lire)
Pourquoi Booking.com est le meilleur
Pourquoi il ne faut surtout pas utiliser le widget Booking.com
Comment ne pas respecter la parité tarifaire
Quelles évolutions dans le futur de la relation hôteliers-OTAs
Institutionnels ! Pourquoi Booking.com n’est pas une bonne solution pour votre site

 

7 Comments

  1. 28 mai 2014 at 10 h 45 min

    Effet 6
    "Si la parité tarifaire n’existe plus, alors Booking.com pourra rogner sa marge (sa commission) pour vendre votre chambre à 90€ et vous, hôteliers, vous ferez quoi dans ce cas ?"

    Si Booking baisse sa commission de 10% et obtient ainsi des tarifs identiques à celui de l'hôtel, cela semble pas mal, non ?
    Aides moi à comprendre le scandale...

    1. 28 mai 2014 at 10 h 56 min

      Mon soleil préféré ;)

      Booking ne baisse pas la com qu'il facture à l'hôtel, jamais. Mettons que vous avez une com de 20%. Si vous donnez une chambre à vendre à Booking à 100€, il gagne 20€ (simpliste)

      Mais la chambre est en vente à 95e sur le site de l'hôtel. Booking va donc rogner sa marge (il encaisse toujours 20 euros de votre part) pour vendre la chambre 90€ (alors que vous lui avez donné à 100, il casse la parité tarifaire). Il ne gagnera donc que 10€ sur la vente, mais sera le moins cher et l'hôtel continue a payer 20% soit 20€ et à encaissé 100€ (par un système de remboursement/prime/avoir de la part de booking)
      Un peu comme Venere le fait de temps à autres...

      1. 29 mai 2014 at 13 h 51 min

        Pour poursuivre ton exemple, la fois d'après, l'hôtel enverra la chambre à 95€ sur son site et à 105€ sur Booking (dont 84€ pour l'hôtel une fois la commission exclue). Si Booking veut discounter, il ne peut le faire que sur sa commission et vont vendre à 95€ (dont toujours 84€ pour l'hôtel). Booking ne peut pas baisser la part revenant à l'hôtel. Résultat, tarif identique sur les 2 sites mais com baissée à 10%.
        L'hôtel ne va pas payer 20% sur les 95€, ce n'est pas possible.

        1. 30 mai 2014 at 6 h 53 min

          Oui, a un moment, l'hôtel devra choisir (ou s’imposer) d'être sur booking tout en respectant une parité +/- 10% ou ne pas être sur booking, cqfd

  2. Fbougeot
    29 mai 2014 at 11 h 39 min

    Comme d'habitude Thomas tu nous apporte des pistes de réflexion (merci) sur notre métier.
    Si je peux me permettre voici ce que j'en pense.

    1°) Il ne va surement pas se passer grand chose... enfin tout de suite mais... c'est un début.
    2°) "Les américains" ne vont surement pas quitter un marché qui est très profitable "les fromages qui puent" rapportent beaucoup de dollars.
    3°) Que l'action en justice soit un succès ou pas si les hôteliers ne se bougent pas le rapport de force ne changera pas.
    4°) Idem que 3°) tant que les hôteliers d'une même zone géographique joueront le jeu de Booking and co en se faisant une guerre des prix le rapport de force s'inversera pas.
    5°) avec ou sans Booking le gâteau sera de même taille. Il est faux de penser que Booking apporte du Business. Les OTAs distribuent les "parts " de manière différentes en ponctionnant de la marge.
    6°) Tout ne va pas être révolutionner du jour au lendemain... il ne faut pas oublier qu'au final c'est le client qui clic... et en effet ce genre d'action peut permettre de faire évoluer le comportement d'achat. Les hôteliers doivent maintenant faire preuve de plus grande "créativité" en proposant des produits de qualité et différenciant seul gage à long terme de rentabilité et donc de pérennité.

  3. 1 juin 2014 at 8 h 15 min

    Super article que je trouve très réaliste face à l'actualité. Ce qui me plait le plus dans tout ça, c'est que plus ça fait du bruit, plus ça fait comprendre à l'internaute la différence entre la fiche Booking d'un hôtel et le site internet officiel de l'hôtel...
    Dommage que Montebourg n'insiste pas plus sur les achats de noms d'hôtels...
    Affaire à suivre...

  4. 16 juillet 2014 at 20 h 27 min

    Bonsoir à toutes et à tous,

    Merci encore à Thomas pour son article et oui chère Bernadette l'action de notre cher ministre est incomplète ! Dites cher Thomas, que nous conseillez-vous si nous appartenons à une chaîne volontaire comme les Logis (ce qui est mon cas) - dois-je continuer à m'appeler Logis x Hôtel sur des sites comme booking & co ?

    dois-je faire de même sur le nom de mes chambres ?

    merci pour votre réponse d'avance