Cher lecteur, si tu lis ceci c’est que tu es actif sur la toile et que tu as un intérêt dans les enjeux (marketing, numérique, technologique, etc.) dans l’hôtellerie.
Tu dois certainement aussi consulter d’autres supports, comme l’Hôtellerie-Restauration, Hospitality-On, et autres. D’ailleurs je partage ici mes sources pour une veille sérieuse dans notre secteur.
Cher lecteur, tu le sais, je suis engagé avec l’Hôtellerie-Restauration, le journal de référence de notre profession. J’y rédige des articles et maintiens la section « SOS experts » et anime un sujet interactif sur la e-réputation.
Mais, comme toute personne sérieuse, je lis, consulte de nombreux supports. Et là, l’heure est grave, l’un d’eux est menacé de disparition. Eh oui, la crise du covid touche tout le monde.
Le Webzine Tendance Hôtellerie vient de lancer un cri d’alarme et une cagnotte en ligne pour sa survie. Si vous êtes lecteur de ce support, c’est le moment de montrer votre soutien et de montrer qu’il vous a été utile, un jour, ces 10 dernières années, dans votre métier.
En ce vendredi 12 juin, j’ai interviewé le fondateur et gérant de Tendance Hôtellerie (TH) pour comprendre ce qui s’est passé et voir l’aide qu’on peut lui apporter.
Bonjour Guilain, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Guilain Denisselle, j’ai toujours été et travaillé dans le secteur de l’hôtellerie. J’ai commencé en 1987 comme veilleur de nuit, à l’époque on disait « night audit ».
J’ai ensuite grimpé tous les échelons et tous les postes dans un hôtel.
En 1999, j’ai passé un diplôme de management hôtelier.
J’ai travaillé chez Topsys Informatique, chez Reservit, j’ai été actionnaire Availpro (D-edge aujourd’hui), j’ai lancé RatesToGo en France (devenu Orbitz depuis), j’ai eu plein de clients en conseils, plutôt technologique mes conseils), dont une OTA (Worldres).
Mon métier principal est le conseil sous la marque Hotel Conseil (https://www.hotel-conseil.com/).
Aujourd’hui mes conseils sont plus consommés par les sociétés de technologie, les prestataires, que par les hôteliers. J’ai accompagné la BPI pour son investissement SpotPilot, j’ai été consultant pour Michelin, c’est d’ailleurs compliqué de rentrer chez eux si tu n’as pas un diplôme d’une grande école, il s’est passé 6 ans entre le premier contact et la première mission)
Tendance Hôtellerie, c’est quoi ?
C’est un webzine, c’est-à-dire un magazine en ligne, principalement destiné au secteur de l’hôtellerie, mais aux hébergeurs et acteurs touristiques plus généralement.
J’ai créé TH en 2009, il manquait un support vraiment dédié à l’hôtellerie et avec une spécialisation très « techno » et marketing. J’ai remarqué ce vide et le besoin des hôteliers, j’ai essayé de le combler, voilà la genèse de TH. Le journal l’Hôtellerie-Restauration est très « restauration ».
Je voulais aussi pouvoir pointer du doigt ce que j’appelle les vilains, c’est-à-dire ceux qui magouillent et qui le font, souvent, en toute impunité. J’ai été le seul à dénoncer les agissements de « voyager en car » et au final, le gérant a été condamné pour escroquerie.
Les grandes étapes de TH pendant ces 10 ans
Au début, c’était dur, ben oui, un jour on ouvre, on met le site sur un serveur et il faut se faire connaitre.
La première étape a été de trouver et de produire du contenu de qualité, c’est un gros travail. Si il n’y a pas de contenu, il n’y a pas de visiteurs, sans visiteurs, il n’y a pas d’annonceurs. C’est comme pour un hôtel, il faut se faire connaitre, avoir de la visibilité et proposer quelque chose de cohérent.
Il y a eu ensuite un gros travail auprès des agences de presse pour recevoir leurs communiqués de presse. CP qu’il faut systématiquement retravailler, vérifier, etc. C’est aussi un gros travail d’investigation.
Au départ, je ne gagnais pas d’argent, pendant 4 ans TH n’a généré aucun revenu, au contraire, il a fallu investir et injecter du cash. Au bout de 4 ans, j’ai ouvert un petit annuaire, ça a été la première source de revenus, mais ça suffisait pour payer le serveur.
L’équilibre financier est toujours très relatif, heureusement que j’ai mon activité de conseil, à côté, qui me fait vivre.
J’ai aujourd’hui des annonceurs, des articles sponsorisés, des bannières, etc. il y a tout plein d’offres de visibilité sur TH. Tout est toujours très clair, dès que quelqu’un paie, c’est écrit noir sur blanc. Si je suis invité à un événement, ça sera précisé dans l’article que j’ai été invité.
Je refuse certains annonceurs, car pas d’adéquation avec mes valeurs, certains annonceurs refusent de bosser avec moi car je ne suis pas influençable.. bref même ce « secteur » de l’annonce est compliqué, surtout lorsqu’on l’aborde déontologiquement comme moi. Par exemple, je refuse les trop gros annonceurs, je ne veux pas dépendre… un peu comme les hôtels dans leur stratégie de distribution.
Th ne me fait pas vivre, si j’ai un équilibre, c’est bien. Je touche mes revenus de mes activités de conseils. Je donne aussi beaucoup de temps à des associations, à des asso hôtelières, à l’HTNG, j’ai participé ainsi à l’établissement de normes et standards technologique dans l’hôtellerie.
Qui visite TH aujourd’hui ?
Mes visiteurs sont principalement et sans surprise, des hôteliers.
Mais aussi tout l’écosystème technologique, les prestataires, les éditeurs de logiciels et solutions, etc.
J’ai essayé d’organiser des rencontres entre hôteliers et prestataires, mais seulement les prestataires répondaient présents, alors que pour moi, choisir un prestataire, c’est avant tout faire connaissance avec lui, le connaitre, connaitre les humains derrière, etc.
En fonction des saisons, j’ai des étudiants qui posent des questions, probablement pour leur mémoire, des maisons d’éditions de livres scolaires qui demandent des autorisations de reproduction.
La statistique principale à retenir, TH fait 120K pages vues sur les petits mois (aout par exemple) et 200K sur les gros mois. Le confinement est très bon pour les visites, il y a plus de visites, elles sont plus longues et génèrent plus de clics. Rien qu’hier, jeudi 11 juin, j’ai eu 9 686 visiteurs et/ou 12 858 pages vues. Mais bon, en période de confinement, il n’y a plus d’annonceurs, c’est rageant…
Sur les réseaux sociaux, TH c’est une communauté de 48 500 personnes, entre Facebook, LinkedIn, Twitter et Instagram. La newsletter est envoyée à 5 300, e c’est 5 300 vraies personnes. Je fais le ménage fréquemment, je supprime ceux qui n’ouvrent pas la newsletter pendant 3mois, c’est du qualitatif, d’ailleurs il y a un taux d’ouverture de 35%
Quel est le mode économique ?
Pour faire fonctionner TH, il faut 100 000€ de budget annuel. C’est les frais de serveur (2 serveurs dédiés) et tout ce qu’il y a autour. Je fais appel à des sous-traitants pour certaines opérations techniques, mais j’essaye de gérer le maximum moi-même.
Les déplacements sont à ma charge. Le fait d’aller à EquipHotel, à FHT, à ITB, à Londres, etc.. pour tous ces événements, salons, représente une belle charge d’exploitation, mais il faut y aller
Je travaille 70h par semaine en ce moment, il y a des choses qui tombent tous les jours, il faut écrire, vérifier, faire des analyses, c’est un gros travail.
Le modèle économique est la publicité. Tout est transparent, je l’ai déjà dit, si TH à un intérêt, alors c’est marqué. J’ai essayé le modèle économique de l’abonnement, en soumettant l’idée à un panel d’hôteliers, mais il semblerait que les hôteliers ne soient pas prêts à payer un petit abo pour accéder à du contenu de qualité
Quels ont été les faits d’armes dont tu es fier ?
Je m’oppose systématiquement at toutes demandes de retrait de contenu et il y en a.
JE fais un vrai travail d’enquête, si j’écris pour dénoncer, j’ai toujours une réserve sous le pied qui ne demande qu’à paraitre en cas de « pression » de la part des parties prenantes.
J’ai par exemple fait bouger Pages Jaunes à l’époque de son partenariat avec Constellation. J’ai obtenu que Pages Jaunes soit solidaire de Constellation et prenne une licence Agence de Voyages.
J’ai aussi dénoncé les agissements de certains dirigeants qui avaient organisé de vastes escroqueries à la formation.
Je n’ai jamais été soutenu par personne ni aucune organisation, alors que j’ai apporté sécurité (PagesJaunes) et gains (escroquerie à la formation) au secteur. Et pourtant, certains « vilains » se sont débattus et ça m’a couté un bras en procédures judiciaires.
Il y a encore une omerta dans le secteur touristique et tant qu’elle perdurera le secteur sera pénalisé. Pourtant tous secteurs qui sortent de l’omerta s’en retrouvent grandi. Il n’y a guère que Atabula et TH qui ont une vraie liberté d’expression. Connaissez-vous d’autres publications qui ont un « coin des vilains » ?
Pourquoi TH est en danger aujourd’hui ?
Pour des raisons personnelles, j’ai été occupé ces 18 derniers mois, avec donc moins le loisir de m’occuper de TH.
Certains annonceurs historiques ont retiré leur budget, notamment car leurs investisseurs leur ont demandé de serrer les couts. Mais cela touche tout le secteur, pas uniquement TH.
Et puis le covid est arrivé et tous les annonceurs ont suspendu leur budget, ce que je comprends très bien. Pourtant TH a fait plein de trucs gratuits pendant le covid, j’ai poussé des offres gratuites, les webinaires, la formation, tout ce qui faisait sens en cette période de crise.
2021 va être une année très compliquée pour le tourisme.
J’ai lancé un appel à mes annonceurs fidèles et ils ont répondu présents, un grand merci à eux. Mais cela ne suffira pas, j’ai besoin du soutien des lecteurs, la finalité de Th est de parler et d’apporter de la valeur aux hôteliers. Je gagne mieux ma vie en tant que consultant, je ne vais pas me battre éternellement si personne ne montre de l’intérêt.
L’échéance est à fin juin. Tendance Hôtellerie pourrait disparaitre cet été s’il n’y a pas une mobilisation forte des hôteliers
Comment t’aider et qu’attends-tu des lecteurs ?
J’ai ouvert une cagnotte en ligne, si tout le monde donne 5 euros, alors TH pourra survivre, est-ce cher en regard des milliers d’articles publiés ? Vous pouvez bien évidemment donner un peu plus (rire..).
Hôteliers, montrez un peu d’intérêt pour TH, abonnez-vous à la newsletter, rejoignez-nous sur les réseaux, cliquez sur les annonceurs (si ça vous intéresse, hein), partagez, dites à vos prestataires que ce média est bon pour toucher d’autres hôteliers, etc.
Sinon, j’ai une page dédiée à tous les petits gestes que les hôteliers peuvent faire pour aider TH.
Enfin, si quelqu’un est intéressé par reprendre TH, j’étudierais la question avec intérêt.
Merci Guilain pour ton temps et pour tout ce que tu as partagé ces dernières années.
Hôteliers, vous avez compris que TH a besoin de mobilisation pour survivre, à vous de voir ce que TH vous a apporté.
Thomas Yung
12 juin 2020